Il est mort le poète de Marcus Malte

«J’affirme que ce monde est à moi comme à vous tous !

Il est à nous !

A chacun !

Et personne, absolument personne ne peut s’arroger le droit de nous en déposséder !»

Antoine Simiac, la quarantaine, est un jeune politique a l’avenir tout tracé : devenir le futur Président de la République.
Orateur de talent, un prédicateur, il sait manipuler les foules. On le surnomme «le poète». Passionné, lyrique et vibrant, il sait manipuler les mots.

Quand il se fait assassiné : trois balles de gros calibre à bout portant.

Un sénateur en profite pour lancer son poulain, Renaud Dutertre, dans la course à l’Elysée.
La voie est libre maintenant.
De là à conclure qu’ils seraient les commanditaires du meurtre…
A voir…

Quand arrive Zoé, vingt-quatre ans.
Le grain de sable dans les hautains rouages de la haute sphère politique.

«Il est mort le poète» est une création radiophonique produite par France Culture et diffusée pour la première fois en 2010.
Cette «pièce à conviction» (collection des Editions La Tengo) d’une petite centaine de pages reste très lisible.
Il n’est pas toujous aisé, en effet, de lire du théâtre. Le lecteur doit se débrouiller sans les acteurs, sans le metteur en scène.
Le théâtre est un spectacle vivant qui se regarde autant qu’il s’écoute.

Ici, le lecteur retrouve, avec plaisir, Marcus Malte, l’auteur de romans noirs : onze prix littéraires, rien que ça, pour «Garden of love» (2007), les remarquables «Les Harmoniques» (2011) ou «Canisses» (2012)…à lire.

Cette pièce, qui pourrait allégrement alimenter un bon polar de trois cents pages, contient une trame tracée au cordeau :personnages déjà bien trempés, ambiance déjà bien installée, suspense déjà bien ancré.

Bref, un bon moment de lecture !

Nevada de Vave Claire Watkins

«…un cri qui deviendra l’Amérique.»

Dix nouvelles originales d’une déchirante et dépressive Amérique, délicieusement déchiquetée par Claire Vaye Watkins.

C’est une première publication de Claire Vaye Watkins (26 ans), et à mon humble avis, c’est une auteure singulière qu’il faudra suivre de près si vous aimez l’univers impitoyable de Cormac McCarthy.
Traduction impeccable de Elsa Maggion : rendons hommage aux traducteurs trop souvent oubliés qui travaillent dans l’ombre.

Claire raconte l’Amérique de l’Ouest et ses misérables ruées vers l’or, ses déserts humains et ses coyotes irradiés aux essais nucléaires, ses machines à sous perdues d’avance et ses «passes» de caravanes, ses lumières chimériques de Las Vegas et ses rêves de western, ses duels au soleil et son fantôme noir et blanc de Grégory Peck, ses amours préfabriqués de mobile home et de bières chaudes illsusoires, ses yuccas épineux et ses montagnes violettes…Welcome to Nevada !

La plus longue des nouvelles (une petite cinquantaine de pages) intitulée «Le plus-que-parfait, le passé continu, le passé simple» reste la meilleure.
Terriblement efficace, efficacement désespérante, terriblement désespéré.
L’histoire du Cherry Patch Ranch, un triste bordel en plein désert. Où traînent les guêtres de Chyna la métisse Shoshone à la jupe plissée écossaise (cadeau d’un client attentionné), Trish l’épileuse, Bianca et sa «cicatrice de césarienne rose et cireuse dépassant de sa culotte rouge», Army Amy (spécialiste de l’uniforme) et Darla «au bustier noir et au nuage de paillettes argentées autour des yeux».
Avant d’être un bar, puis un bordel, le Cherry Patch Ranch était un élevage de paons bleus d’Asie…mais les filles avaient toujours rapporté plus d’argent que les oiseaux…Alors maintenant les hommes viennent y perdre leurs dernières plumes.

L’Amérique a tellement de choses à se rappeler…

«Pourquoi es-tu d’une telle lenteur ?
– Je sais pas exactement, Mam’zelle, mais ça doit être parce que j’ai tellemnt de choses à me rappeler.»

Claire Vaye Watkins pousse un premier cri (cri primal ?), cri féroce, un cri du coeur, un cri du corps…à la vie, à la mort.
Comme une onde de choc, vibrante et troublante, ses mots devraient rencontrer un écho retentissant auprès de lecteurs à la peau sensible.
Remuant !