Les Stones de Philip Norman

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« En 1984, on pensait généralement que peu de fans des Rolling Stones aiment les livres. Je suis heureux que celui-ci ait fait exception à cette règle, puisqu’il est constamment réimprimé depuis vingt-huit ans, et toujours présent pour marquer aujourd’hui le demi-siècle d’existence des Stones. »

Des biographies sur les légendaires Stones il y en a des tonnes et des tonnes…trop, trop…

Celle de François Bon, celle de Nick Kent, celle de François Jouffa, celle de François Plassat et celle de…et puis celle de…
Trop c’est trop.
Ne perdez pas votre temps allez tout droit lire celle de Philip Norman qui reste une référence avec celle de Stanley Booth.
Faites moi confiance…

Si vous avez écouté, si vous écoutez et si vous écouterez « Sympathy For The Devil » en boucle, vous voilà servis.
Ces diables de Stones on fait coulé beaucoup d’encre, de sang et de dollars…trop, trop…
De la naissance du groupe adepte du Rythm and Blues, à la noyade de Brian Jones (fondateur du groupe), du terrible et cauchemardesque concert d’Altamont aux démélés financiers autour des droits d’auteurs, des orgies alcoolisées aux matins brumeux aux goûts de LSD…vous saurez tout (ou presque) sur ces sacrés musicos que sont les Stones.

C’est aussi un voyage (psychédélique !) au pays des sixties.
« Dans cette rue grise, ils rayonnaient comme des dieux solaires. Ce n’étaient pas des humains, mais bien plutôt des créatures venues d’une autre planète… » écrit Nik Cohn en 1965 à Liverpool.

Suivez mes précieux conseils, enfilez votre casque et écoutez ces albums (Aftermath, Let It Bleed, Stikies Fingers, Exil On Main Street, pas plus…après le reste c’est comment dire, trop, trop…) en lisant « Dance With The Devil » de Stanley Booth et « Les Stones » de Philip Norman et vous m’en direz des nouvelles…
Non, ne me dites pas merci c’est vraiment parce que je vous aime bien !

« Let me please introduce myself
I’m a man of wealth and taste
And I lay traps for troubadors… »

L’énigme de Flatey de Viktor Arnar Ingolfsson

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« Enténébrées sont les terres et la nef parcourt la mer. 
Cap sur le froid et la mort. 
Quel sera notre sort ? » (Le livre de Flatey)

Les écrivains nordiques viennent piller notre raide budget-livres et envahissent nos rayons polars.
L’expansion viking pirate les vitrines de nos librairies préférées.

L’Islande en particulier a tout pour plaire : violents paysages et climat propice aux enquêtes brumeuses.
J’aime bien l’Islande.
J’ai découvert ce pays accompagné par Halldór Laxness dans son magnifique roman historique « La cloche d’Islande » (vivement conseillé) et guidé par les traductions des sagas islandaises par Régis Boyer…sans omettre bien entendu toutes mes premières enfantines lectures de fascinants vikings…qui me faisaient bien peur.
Un pays exotique !

J’aime bien l’Islande, dis-je, et j’aime bien les polars.
Donc ça tombe plutôt bien pour découvrir ce Viktor Arnar Ingolfsson et son énigme de Flatey.
« L’Énigme de Flatey » est actuellement le seul roman de l’auteur à avoir été traduit en français.

Flatey est une toute petite île perdue dans un immense fjord à l’ouest de l’Islande.
Nous sommes en 1960.
Ici ça pêche et ça assomme des phoques toutes les dix pages…de quoi bien énerver notre emblématique BB.
Mais bon faut bien se nourrir.
Une épicerie, une conserverie, une église, un unique téléphone alimenté par une dynamo et basta.
Seul événement marquant : une fois par semaine un bateau postal vient accoster sur l’île pour approvisionner les habitants.
Plutôt rustre et calme comme endroit.
Là tout le monde se connait…ou croit se connaitre…dans une sorte de huit clos glacial.

Quant un scientifique danois, Gaston Lund, spécialiste des sagas islandaises est retrouvé mort sur un rocher perdu en pleine mer.
Cet éminent professeur serait-il venu pour résoudre l’énigme du Livre de Flatey ?
Le Livre de Flatey écrit entre 1387 et 1394 relate les aventures des rois de Norvège. C’est le plus long et le plus richement illustré des manuscrits islandais.
Au xve siècle, le manuscrit appartenait à une famille de l’île de Flatey. En 1647, son propriétaire, Jón Finnsson, en fit don à l’évêque de Skálholt, Brynjólfur Sveinsson. Brynjólfur l’envoya au roi Frédéric III de Danemark en 1656. Le Flateyjarbók fit partie de la Bibliothèque royale jusqu’en 1971. Le 21 avril, il fut solennellement restitué à l’Islande. Il est aujourd’hui conservé à l’institut Árni Magnússon, à Reykjavik.

Et c’est l’attachant et naïf Kjartan, adjoint du préfet, venu de la capitale Reykjavik, pas détective pour un sou, qui va devoir mener l’enquête.
A nous de découvrir quel est le coupable parmi ces paisibles pêcheurs.
L’occasion pour nous, comme pour notre apprenti Hercule Poirot, de découvrir ce mystérieux pays aux coutumes ancestrales durement conservées.

L’occasion pour nous, curieux lecteurs, de plonger dans les sagas légendaires de l’Islande du Moyen-Age.

Un bon et dépaysant moment de lecture…que demander de plus ?

« La magie mène au terme du voyage, nous souquons ferme. Pourquoi chercher des réponses
qui pour nous sont absconses ? » (Le Livre de Flatey)

Pornographie du temps présent de Alain Badiou

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« Un présent fait défaut. » Mallarmé

Le philosophe Alain Badiou, guidé-inspiré par la pièce de théâtre « Le Balcon » de Jean Genet, nous propose ici une critique radicale de la démocratie.
Comme souvent (très souvent à mon goût) Alain Badiou nous bouscule, nous interpelle, nous provoque, nous chatouille là où ça fait mal…pour notre plus grand bien !

Ce court texte d’une quarantaine de pages est la reprise intégrale d’une conférence intitulée « Images du temps présent » donnée en janvier 2013 à la Sorbonne.

De la démocratie considérée comme notre fétiche, un bordel, le Phallus de notre présent.
Rien que ça !

Le pouvoir démocratique cacherait sa « férocité » derrière une (pro)fusion d’images obscènes, sophistiquées et marchandes.
Son but : nous pousser à consommer dans l’illusion d’un monde connecté…le fameux-fumeux « Village Global » d’Internet.

« Le bordel, c’est le lieu où s’évalue et se fixe le prix moyen du désir. C’est le marché des images. » nous prévient Badiou.

En dehors de ce bordel savamment organisé survivrait la fureur de ceux qui résistent, qui rêvent…comme un désir de révolution.
Nous devons nous « désencombrer », « désimager », « désimaniger ».
Nous devons oser les utopies.

« Il est aujourd’hui sentimentalement obligatoire d’être démocrate. Le féroce pouvoir nu qui nous détruit se fait reconnaitre et même aimer par tous, dès lors qu’il se couvre du mot démocratie…Nous devons avant tout traiter méthodiquement cette obligation et cet amour. » scande Badiou tel un Léo Ferré au plus grand de sa forme.

Critiquer le capitalisme ne suffit pas, ne suffit plus. Il faut aller plus loin, penser plus loin.
Oser fustiger la démocratie, un système politique encore trop inégalitaire.

Oui mais pour aller où ?
Comment ?
Avec qui ?

Là, Badiou reste (trop souvent à mon goût) imprécis.
Vers un monde qui ferait advenir l’égalité réelle de l’humanité toute entière.
Mais encore ?
Certes Badiou a toujours eu l’honnêteté voire le courage de refuser de porter le drapeau, le chapeau des dictatures communistes.
Il ne donne pas de leçons contrairement aux Alain Minc et autres Jacques Séguéla et leurs discours moralisateurs, contrairement aux nouveaux et envahissants économistes-gourous qui prétendent nous apprendre à vivre.

Un livre remuant pour éviter de ronronner, de s’assoupir !

« Nos poètes tuent ce qu’ils voudraient faire vivre. » Jean Genet.

Un été avec Montaigne de Antoine Compagnon

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« Quand je danse, je danse… » Montaigne.

Antoine Compagnon, écrivain et professeur au Collège de France, est un spécialiste de Montaigne (« Nous, Michel de Montaigne », « Chat en poche : Montaigne et l’allégorie »).

Ici il nous accompagne, le temps d’un été, à (re)découvrir Montaigne.
Réduire les Essais de Montaigne à quelques extraits, sentences ou autres maximes est un exercice à haut risque. Beaucoup s’y sont aventurés…beaucoup trop se sont enlisés dans une glose vaseuse et évasive.

Là, Antoine Compagnon réussit le défi.
En quarante petits chapitres judicieusement colorés de nombreux passages des Essais, il nous offre un Montaigne vivifiant, fortifiant, présent et moderne.
De son engagement politique à sa vision de la mort, de l’éducation au temps qui passe, que sais-je…
Montaigne est encore bien vivant. BHL peut aller se rhabiller…

De quoi (re)donner envie de (re)lire les Essais…été comme hiver !

« Le livre me console en la vieillesse et en la solitude, il me décharge du poids d’une oisiveté ennuyeuse et me défait à toute heure des compagnies qui me fâchent, il émousse les pointures de la douleur… » Montaigne

Un été avec Louise de Laura Moriarty

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« Il n’y a pas de Garbo ! Il n’y a pas de Dietrich ! Il n’y a que Louise Brooks ! » Henri Langlois

1922. Wichita dans le Kansas.
Les tranchées de la grande guerre fument encore en Europe. La grippe espagnole se répand sur le monde comme une trainée de poudre.
Les « Boys » sont de retour au pays de la prohibition.
Les femmes suffocent sous leurs corsets et les noirs dans leurs ghettos. Le Ku Klux Klan a le vent en poupe.

Cora Carlisle est « bien mariée » avec Alan avocat renommé.
Ils ont des jumeaux beaux grands et en bonne santé.
Cora est orpheline, recueillie, élevée au New-York Home for Friendless Girls. Adoptée par la famille Kaufmann. Plutôt bien tombée.
Mais de ce passé son présent a fait table rase…pour préserver le futur.
Mais que dirait-on si dans ce paisible Wichita on apprenait que la femme du célèbre Alan Carlisle avait été abandonnée à l’âge de quatre ans chez les soeurs des pauvres.

Dans ce Wichita étriqué vit aussi la famille Brooks. Myra et Leonard Brooks.
Des originaux comme on dit dans Wichita.
Des prétendus presbytériens qui ne vont jamais à l’église. Une mère qui joue du piano toute la journée au lieu de s’occuper de ses enfants et du Satie par dessus le marché. Un père juriste qui laisse sa maison s’effondrer sous le poids de livres pas toujours recommandables.
Une fille de quinze ans très délurée qui lit Voltaire et Schopenhaueur.
Petite et menue, la peau très claire, des yeux sombres, des cheveux très noirs, brillants et raides, coupés juste en dessous des oreilles.
« De part et d’autre du visage à l’ovale parfait, deux mèches dessinaient comme des flèches pointées vers une bouche charnue et sensuelle, et le rideau soyeux d’une épaisse frange s’arrêtait en une ligne bien droite au ras de ses sourcils. »
Espiègle, insolente…d’une beauté à couper le souffle, vous l’avez déjà reconnue, c’est Louise, Louise Brooks.
La future Louise Brooks ! La célèbre actrice du muet qui osa dire m…. aux ponts d’or et aux ors des pontes d’Hollywood.
Si vous ne connaisez pas encore les films de Louise Brooks courez vite regarder « Loulou » ou « Le journal d’une fille perdue » de Pabst, entres autres.
Magnifique et envoûtante !

La petite Louise rêve d’intégrer la prestigieuse école de danse de Denishawn à New-York.
Son père trop affairé, sa mère trop, comment dire, trop « pas assez mère et trop Eric Satie » ne seront pas du voyage.
Ils cherchent une chaperonne (quel vilain mot !).
Cora se propose.
Monsieur Brooks a réservé un appartement pour Louise et Cora à New-York à deux pas du New-York Home for Friendless Girls. Tiens, tiens…
Et c’est parti pour une belle, très belle, émouvante, très très émouvante histoire de deux vies parallèles.
Celle de la petite Louise qui va devenir la grande Louise Brooks.
Celle de Cora Carlisle qui va devenir…qui va devenir et bien je vous laisse ici car sinon je sens que je vais faire trop long et tout vous raconter tellement ce livre m’a plu.

Un beau coup de coeur que ce premier roman de Laura Moriarty publié en France.

Et la mort se lèvera de Jacques Olivier Bosco

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« Ils n’avaient pas trouvé le gars, mais il y avait quand même eu du grabuge. C’était ça le problème quand les histoires de truands devenaient des histoires de famille. Cela tournait à la tragédie.
Et ce n’était que le début. »

Jacques Olivier Bosco est l’auteur de l’excellent « Aimer et laisser mourir » et du très recommandable « Le cramé » parus chez les remarquables Editions JIGAL.

Le lecteur (re)découvre Lucas Murneau qui aime et laisse mourir.
Lucas Murneau, dit « Le Maudit » en cavale en Amérique du Sud.
Une femme, Angelina, laissée pour (mauvais) comptes sur la Côte d’Azur et une fille jamais vue.
Lucas Murneau est un tueur à gages avec des principes : ne pas toucher aux femmes et aux enfants…premier bon point.
Lucas Murneau est un tueur professionnel avec des lectures : Nietzsche et Jack London…deuxième bon point.

Lucas Murneau tue à tours de bras en Colombie. Il est riche et seul.
Il envisage de rentrer en France pour enfin voir sa fille et sa petite fille de trois ans.
Lucas Murneau a du coeur…troisième bon point.

Un « héros » aimable donc qui veut « se ranger des voitures » comme on dit dans le milieu.

Oui mais voilà qu’une horrible bavure va réveiller la bête qui tente de sommeiller chez notre héros.

Sa fille et sa petite fille sont atrocement massacrées par une bande de truands niçois.
Rappel : Lucas Murneau est un tueur à gages avec des principes : ne pas toucher aux femmes et aux enfants…

A Nice règne le clan des Ranzotti mené d’un main de fer par le patriarche Franco.
La famille Ranzotti magouille avec la mafia italienne et sicilienne.
La bavure c’est eux…

C’est un polar sur le code d’honneur, la vengeance , l’omerta et la vendetta.
Avec sa panoplie de grosses berlines, de femmes allumeuses (Sofia la petite comtesse sort du lot), de gros calibres, de montres en or et de lunettes noires.

Ici ça flingue à toutes les pages entre de très belles scènes décoratives à la Baie des Anges, la Promenade des Anglais, la Place Garibaldi.
Bosco aime son Nice.

L’écriture de Bosco est encore et toujours efficace, énergique et remuante.
Tout va très vite et le lecteur reste bien accroché jusqu’au bout.

En fond d’écran défilent les films « Le Clan des Siciliens », « Deux hommes dans la ville » ou « Le deuxième souffle ».

Bosco affiche son admiration pour l’écrivain, scénariste et réalisateur José Giovanni… »son maître ».
Hommage très discutable quand on connaît le trouble passé de Giovanni pendant la deuxième guerre mondiale…

Voilà un polar qui devrait plaire aux amateurs de sensations fortes.